Employeur recherche candidats infertiles

Braque_logoL’hiver suit son cours à Montréal et le froid est toujours aux alentours. Malgré tout, quelque chose me dit que lundi le 17 mars, il a fait chaud à l’Agence Braque.

Une de ses offres d’emploi est sous le feu des projecteurs. Avec des phrases comme “Es-tu peu encline à tomber enceinte pour diverses raisons?”, la controverse était à l’horizon.

Dans ce billet, j’aborderai la manière dont Braque a géré la crise causée par les propos de ladite offre d’emploi. Quelle est l’image reflétée et quels sont les enjeux de relations publiques qui en découlent? La direction aurait-elle pu faire autrement?

Agence Braque _Chaise

La controverse de la chaise infernale

L’Agence Braque est une des nombreuses agences de publicité de la métropole. Il y a une dizaine de jours, elle publiait une offre d’emploi s’intitulant simplement, Chargé(e) de compte. L’introduction, à tout le moins controversée, était accompagnée d’une photo de chaise inoccupée.

Photo_Offre d'emploi

 Ipelaï!

Je comprends que c’est de l’humour, n’empêche qu’en contexte d’embauche, on ne rit pas avec la discrimination. D’ailleurs, les réactions du public sont fortes et engagées. Tant sur les médias sociaux que sur plusieurs sites d’informations, l’offre d’emploi réveille les passions.

Braque_Réactions_Timeline Photos

Rappelons-nous qu’au même titre que l’orientation sexuelle, la discrimination basée sur la grossesse est prohibée en vertu de l’article 10 de la Charte. 

Braque n’a pas braqué

L’entreprise a mis des heures à réagir, pour finalement apporter quelques modifications à l’offre d’emploi initiale. Au lieu de se positionner et de corriger le tir au premier instant, Braque n’a pas braqué de plan d’action. En avait-elle, à tout le moins, créer un? La question se pose.

Plus tard ce jour-là, l’agence tente de s’expliquer maladroitement sur les ondes du 98.5 fm. La représentante de l’employeur allègue que l’entreprise n’a jamais eu l’intention de discriminer qui que ce soit et que « d’ailleurs, le personnel de l’agence est constitué de plus de 50% de femmes ». Les propos tenus dans la publication litigieuse, seraient un clin d’oeil au fait que plusieurs employées du service conseil partiront sous peu, en congé de maternité.

Bref, c’était de l’humour.

Une question d’image

  • En tant qu’employeur, pousser l’humour à ce point malgré l’enjeux lié à la discrimination, reflète un manque de jugement en ce qui a trait aux réalités du marché du travail québécois et aux lois qui le régissent;

  • En tant qu’organisation travaillant à bâtir des images publiques, cette situation pourrait affaiblir  le lien de confiance que l’agence entretient avec sa clientèle. Si j’étais  leur cliente, la peur d’une éventuelle poursuite dûe à un manque de jugement semblable, me tracasserait soudainement;

  • Le long délai de réaction de l’agence peut être perçu comme une incapacité à gérer la crise ou encore comme de la pure indifférence face à l’opinion de son public;

  • Enfin, Braque aurait dû confesser son manque de discernement face à la barrière informelle, qu’est la limite entre un ton humoristique et un ton dissuasif, voire répressif. Je suis bien à l’aise à user d’un peu d’humour en contexte d’embauche… Mais reste qu’en tant employeur, il faut savoir reconnaître les limites à ne pas dépasser.

Le scénario souhaité

Selon moi, cette annonce n’aurait jamais dû être rédigée ainsi. Le terrain était trop glissant pour constituer un choix intéressant.

Dans l’optique où elle assume complètement les risques liés à de tels propos, la direction de l’agence aurait dû prévoir la polémique et envisager diverses réactions possibles. Avec le temps qu’elle a mis à réagir, Braque n’avait clairement pas anticipé les contrecoups.

Bref, un faux pas?

Je l’avoue, en prenant connaissance de l’offre d’emploi, j’ai laissé échapper un petit, mini, éclat de rire. Par contre, n’allez pas croire que j’ai trouvé cela brillant pour autant.

Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, les employeurs tentent de se démarquer du lot en usant de tactiques, telle  l’humour, afin d’attirer les talents. Force est de constater qu’en contexte d’embauche et d’image publique, il y a  des dangers à flirter avec les subtilités humoristiques.

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Au moment d’écrire ces lignes, la vague semble passée.

Malgré les fortes réactions suscitées par l’offre d’emploi, quel peut être l’impact d’une telle polémique sur l’organisation? Quelle est l’image transmise par l’agence en tant qu’employeur mais également en tant que conseiller en matière d’image,  littéralement..?

Le jeu (visibilité obtenue) en aura-t-il valu la chandelle (image ébranlée)?

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Éliane Légaré

A propos elianelegare

J’aime le centre-ville à l’heure où les bars ferment. J'aime que ma ville soit bilingue. J'aime aussi le whisky et la nuit mais ça, j'imagine que vous l'aviez compris. L'excès fait partie de mon quotidien tout comme ma peur de vieillir sans avoir tout vu, des hauteurs et des coins de rues.
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4 commentaires pour Employeur recherche candidats infertiles

  1. chloelvaliquette dit :

    J’ai bien aimé lire ce billet. Faire de l’humour sur la discrimination, c’est risqué. Selon moi, dans ce cas-ci, l’Agence Braque n’a pas eu l’effet désiré. Leur image a été compromise. Ce n’est pas très invitant pour une femme d’y faire application. En effet @elianelegare, le momentum est passé, mais il va toujours resté une petit quelque chose dans l’air pour toutes les femmes qui vont y faire application. Bref, ça me semble être une petite entreprise, donc ils n’ont probablement pas de département ressources humaines. Par contre, il serait intéressant pour eux de suivre un cours sur la discrimination en milieu professionnel, ou d’avoir une personne-ressource ayant cette formation pour ne plus se retrouver dans une telle situation. Cette erreur leur coûtera probablement d’excellentes employées, qui par leur humour mal-placé, n’appliqueront pas pour cette agence…

    • elianelegare dit :

      Je ne sais pas si cette erreur impactera leur bassins de candidatures à long terme, par contre, comme tu le fais ressortir @chloelvaliquette, il plane maintenant un doute sur les valeurs de l’organisation ainsi que sur leur culture d’entreprise. Leur image a été compromise certes, mais pour combien de temps?

  2. J’ai l’impression que les agences de communication se permettent d’être créatives, et parfois, les propos laisse à désirer. Par contre, les sanctions sont minimes puisqu’il s’agit d’un milieu de travail créatif, et les gens sont beaucoup plus indulgents. Si cette offre d’emploi était publiée par une institution financière par exemple, les conséquences auraient certainement été immenses. Je trouve que l’agence s’est permis ce type d’humour et dans quelques jours, tout le monde aura oublié cette petite controverse.

    • elianelegare dit :

      Absolument @elisabethgbruyere. Comme s’il fallait tellement se démarquer des autres, tellement être « out of the box » qu’on ne se questionne plus sur la portée de nos propos. Cela me laisse croire que ces bâtisseurs d’images sous-estime l’importance de leur propre image d’entreprise. Un beau paradoxe tout de même, non?

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